Faut-il rappeler cependant que c’est l’Eglise catholique, par la voix de Pie XII, en 1957, qui la première a condamné l’acharnement thérapeutique ? Un programme de soins palliatifs a même été voté en France, mais il n’a jamais été appliqué au nom d’une logique de rentabilité qui préside désormais au système hospitalier et qui s’est substitué peu à peu à l’attention inconditionnelle à la personne, en fidélité au serment d’Hippocrate. Quand on interroge les médecins et autres personnels soignants en soins palliatifs, ils affirment que l’on n’enregistre quasiment pas de demande d’Euthanasie dans leurs services. En effet, les malades qui sont vraiment accompagnés médicalement et humainement, a fortiori spirituellement, vivent généralement cette douloureuse étape, reliés à leurs proches qu’ils s’apprêtent à quitter dans la paix, parfois avec des pardons mutuels, dans la confiance, voire dans l’espérance de la vie éternelle. Dans un monde individualiste et fermé à la transcendance, où la valeur de la vie humaine est souvent réduite au bien-être matériel, physique ou émotionnel, on a tôt fait de transférer nos peurs et nos manques d’espérance sur ceux qui nous quittent dans la souffrance. Là où ils attendant surtout que nous les accompagnions jusqu’au bout et leur montrions que leur vie a toujours une valeur, même si elle est physiquement diminuée, dans la mesure où elle est reliée aux autres, et qu’elle a un sens, à condition d’être reliée à Dieu !
L’Eglise ne peut pas se taire, même si l’on cherche à la réduire au silence de bien des manières, en particulier en mettant en lumière les scandales causés par certains de ses membres. Mais l’Eglise ne parle pas au nom d’elle-même, elle a reçu du Seigneur autorité pour proclamer la Vérité avec audace, selon les recommandations de saint Paul à Timothée : « Proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire » (2 Tm 4, 2). Comme saint Grégoire le Grand le précise dans sa Règle Pastorale (II, 4) : « Craignant de perdre la faveur des hommes, des pasteurs malavisés redoutent souvent d’exprimer librement où est le bien […] mais comme des mercenaires, ils fuient quand ils voient le loup, se dissimulant à l’abri de leur silence. Aussi le Seigneur les admoneste-t-il par le prophète : ‘’Chiens muets, incapables d’aboyer’’ (Is 56, 10) ».
Chaque année, avec la fête de la Toussaint et la commémoration de tous les fidèles défunts, nous sommes invités à approfondir le mystère de la Communion des saints. Si l’Eglise de la terre est appelée au combat, d’où son nom de « militante », pour annoncer l’Evangile du Salut, elle est en pèlerinage vers l’Eglise du Ciel, dite triomphante », où les saints nous entraînent à regarder vers les réalités d’en-haut et pas seulement vers celles de la terre (cf. Co 3, 2). Elle n’oublie pas l’Eglise dite « souffrante », où les âmes du Purgatoire attendent que nous hâtions leur délivrance, en particulier en faisant célébrer des messes à leur intention, sachant qu’elles prient aussi pour nous. Dans un monde marqué par une culture immanentiste, renouvelons notre témoignage d’espérance en la vie éternelle et que la communion des saints nous renforce dans la communion, et en particulier avec ceux qui souffrent à l’approche de la mort.